Avec une victoire au général aux 24 Heures de Spa (et plusieurs victoires de catégorie), une victoire aux 12 Heures de Sebring, deux victoires aux 24 Heures du Nurburgring et un titre ALMS, Romain Dumas a lun des plus beaux palmarès de lendurance actuelle.
Pilote officiel Porsche depuis plusieurs années, Romain a comme en 2007 eu lautorisation de son employeur pour disputer les 24 Heures du Mans pour le compte de léquipe Pescarolo. Avec Emmanuel Collard et Jean-Christophe Boullion, il reforme le trio qui avait terminé lédition 2007 sur le podium derrière les intouchables Audi et Peugeot.
Cest lors du week-end des essais préliminaires de la classique mancelle que jai pu rencontrer Romain pour évoquer avec lui son exceptionnelle saison 2007 et ses espoirs pour 2008.
Un véritable déluge sétant abattu sur Le Mans le samedi précédent la journée test, cest dans le camion atelier de Pescarolo Sport que cet entretien a eu lieu.
Avant même de commencer linterview, Romain me demande de lui expliquer laccrochage entre Danica Patrick et Ryan Briscoe (son équipier et adversaire chez Penske en 2007) lors des 500 Miles dIndianapolis qui se sont disputées le week-end précédent. Car Romain est un véritable passionné, qui sintéresse à toutes les disciplines du sport auto. Après lui avoir fait une reconstitution de laccrochage avec son téléphone portable dans le rôle de la voiture de Danica et le mien dans celui de Briscoe, lentretien a pu commencer.
US-Racing : Tu sors dune saison 2007 exceptionnelle, avec un premier titre et une moisson impressionnante de victoires
Romain Dumas : Effectivement, cest de loin la meilleure de ma carrière. Plein de victoires, toujours sur le podium, On a eu une super année, on a fait douze podiums en douze courses en ALMS. La régularité était très importante. On avait une super voiture, la meilleure équipe possible, aucune erreur, aucun problème. Une combinaison parfaite. A cela sest rajoutée la victoire aux 24 heures du Nurburgring, épreuve censée être réservée aux pilotes ayant beaucoup dexpérience. On te dit quil faut connaître la piste par cur, avoir fait la course sur de petites voitures avant Moi dentrée, on ma donné la chance de le faire avec Manthey, qui est la meilleure équipe là-bas et on gagné au général. Même si ce nest pas la plus prestigieuse, cest quand même sympa et cela reste une course de 24 heures. Au Mans, on a fini troisième avec Pescarolo. Vu la voiture et vu la concurrence, cétait difficile despérer mieux, même si on aurait pu faire encore mieux si cela avait duré un peu plus longtemps. Bref, une belle saison, limpide, parfaite, week-end après week-end. Idéale.
US-Racing : Quand on sort dune saison comme ça, quest-ce quon fixe comme objectif pour la suivante ?
Romain Dumas : Après lannée dernière, ça va effectivement être difficile de faire mieux, voire même aussi bien. Un objectif était de gagner Sebring, même si je naurais pas pensé quon puisse y arriver. Tout le monde était là : Peugeot, Audi, Acura En plus, jai eu un hiver un peu dur car je me suis cassé le genou. Donc avec tout ça, cétait super de gagner. Et puis en ce qui concerne cette saison, lobjectif est de continuer notre route comme lannée dernière, en continuant à enchaîner les victoires et les podiums. Le week-end dernier, on a regagné les 24 heures du Nurburgring, et dune autre manière que lannée dernière car on a eu un problème au début et il a fallu attaquer pour revenir. Donc jusque là cest parfait, difficile de se plaindre. On continue comme cela sur le même tempo, en faisant du mieux possible.
US-Racing : Ton genou ta t-il beaucoup handicapé à Sebring pendant la course ?
Romain Dumas : Déjà, cétait la galère avant Sebring, car je me suis cassé le genou quatre semaines avant la course. On pensait que ce serait ressoudé rapidement, mais tous les chirurgiens te disent entre quatre et six semaines pour pouvoir remarcher. Quand on a fait les radios au bout de trois semaines, rien navait bougé, cétait toujours cassé. Ce nétait donc pas terrible, on ne savait pas comment ça allait se passer. Donc jai pris le truc à contre courant et jai fait comme si cétait réparé. Jai commencé à marcher sans lattelle pour me réhabituer car les muscles fondent très vite. Je my suis remis petit à petit et je suis arrivé à Sebring sans mes béquilles. Cest sûr que je boitais, mais je faisais croire que ce nétait pas bien grave, car javais peur quen cas de contrôle on ne mautorise pas à courir. Après, en course, je pense que cest lépreuve où jai le plus conduit. Le premier relais a duré 2h57. Au début je ne devais faire que vingt tours, le minimum requis pour marquer des points. Le deuxième relais a duré 2h30, donc au final jai quand même beaucoup conduit. Sur le coup, javais mal entre les relais et quand on était sous safety car et que je me relâchais, mais quand je conduisais, je ne me rendais pas compte. Par contre, jai quand même bien souffert la semaine après. Maintenant tout est réparé, mais je pense que ça ma quand même un peu diminué physiquement au début de la saison. Maintenant ça va beaucoup mieux.
US-Racing : Tu as repris lentraînement ?
Romain Dumas : Jai repris lentraînement comme avant, je nai plus mal. La première fois que je me suis remis à courir, cétait pitoyable mais maintenant, je vais aussi vite quavant. cest parfait.
US-Racing : On a vu depuis le début de saison et le week-end dernier à Salt Lake City que les Acura sont bien dans le coup, plus que lan dernier. Et avec la venue de la nouvelle équipe de Gil de Ferran, est-ce que cela vous inquiète chez Penske ?
Romain Dumas : Non, cest super quils soient mieux que lannée dernière. Cest mieux pour le championnat. On peut voir aussi que Dyson est plus dans le coup que lannée dernière. A Sebring, ils étaient toujours dans le même tour au bout de 12 heures, donc ça veut bien dire quils ne se traînent plus comme en 2007. Cela sexplique par le fait que cest leur deuxième saison avec ces voitures, Dyson comme Acura. Ce sont des voitures dont le chassis est tellement incroyable quil faut une attention particulière à chaque détail et comme cest la deuxième année, ils commencent à connaître les voitures et ils ne refont pas les mêmes erreurs. Ils sont donc forcément plus performants. Acura va encore progresser cette année. Tout le monde travaille avec des moyens constructeur Je trouve ça plutôt bien pour le championnat si on ne gagne pas tous les dimanches. Ce nest pas plus mal. Je naime pas perdre, cest sûr, mais ça nous donne du fil à retordre et cest plutôt bien.
US-Racing : Même quand vous ne gagnez pas, vous finissez deuxièmes. Est-ce cela le secret de la Porsche n°7 ?
Romain Dumas : Cest sûr, notre leitmotiv cest de toujours marquer des points, et des gros points. On est toujours sur le podium, cest bien. On a été battus à Long Beach. Une fois encore le safety car nous a desservi. Il y a des fois où il nous avantage, mais là cela fait deux courses coup sur coup où il nous désavantage. Mais bon, la n°7 na pas plus de secret quune autre. Nous avons les meilleurs mécanos possible, le responsable de la stratégie, Tim Cindric, qui est incroyable, et des pilotes homogènes.
US-Racing : A lopposé, que manque t-il à la 6 ?
Romain Dumas : Déjà, ils ont mal commencé lannée. Je le dis toujours, mais à Sebring il faut finir. Si tu abandonnes, tu perds dentrée de gros points et cest la galère pour rattraper ça. Jusquà cette année, mon objectif à Sebring nétait pas de gagner, mais juste de finir ! Après tu vois ce quil se passe sur le reste de lannée. Mais cest sûr que si tu gagnes, tu ne vas pas ten plaindre Côté pilotes, lannée dernière, il y avait Ryan Briscoe dans la N°6, un excellent pilote et un mec super sympa avec lequel je me suis toujours bien battu en qualif. Cette année il est parti et ils ont pris Patrick Long, qui est train aussi de devenir super rapide. Après, ça ne tient pas à grand chose. Lécart est tellement serré entre tout le monde, que dès quil y a un petit grain de sable, tu te retrouves 9ème. Mais ils vont gagner des courses cette année, cest certain.
US-Racing : Et le De Ferran Motorsport ?
Romain Dumas : Tu sais , De Ferran de toutes manières, ce nest pas une surprise. Il a fait sa carrière chez Penske. Ensuite il est allé en F1, il a été directeur dune écurie de F1. Donc jimagine que quand tu as appris à travailler chez Penske, et que tu as vu comment on travaille en F1 et que tu as été dans les plus grosses structures possibles, tu nas pas de mal à monter une équipe qui marche, surtout si tu nas pas de problème budgétaire. Vu ses contacts et ses appuis chez Honda, il a monté une écurie en deux temps/trois mouvements et les personnes quil a engagées ne sont que des personnes connues. Il y en a plein qui étaient chez Penske avant. Donc dès la première course, cétait une équipe Acura qui est au même niveau que Penske, cest-à-dire hyper organisée. En plus ils ont deux bons pilotes. Léquipe la plus homogène chez Acura. Quand tu vois De Ferran et son palmarès Il na pas conduit depuis quatre ans, il monte dans la voiture et tu vois les temps quil fait Les autres doivent se poser des questions. Dailleurs à chaque fois quil y a eu un nouveau pilote sur lAcura, Dario Franchitti lannée dernière, Marco Andretti, De Ferran et Pagenaud cette année, lAcura a fait de supers temps. Il faut vraiment se poser des questions pour les autres ! Maintenant on verra sur dautres circuits, car ils se sont beaucoup entraînés à Salt Lake City.
US-Racing : Au volant, y a t-il une différence importante maintenant que le règlement est venu limiter les performances des LMP2 ?
Romain Dumas : Cest sûr que tu sens tout de suite le poids supplémentaire. Il nous ont rajouté 25 kilos, ce qui équivaut à peu près à trente litres dessence. Avant la machine marchait du tonnerre dans les cinq derniers tours de la course avec le réservoir quasiment vide. Dailleurs à Mid Ohio en 2007, jai fait le meilleur tour dans le dernier tour. Maintenant avec les 25 kilos, cest comme si tu finissais la course avec trente litres, donc on voit que nous navons plus ce pic de performance à la fin du relais comme lannée dernière.
US-Racing : Ce nest pas frustrant de se faire déposer par les Audi comme ça dans les lignes droites ?
Romain Dumas : Ce nest pas frustrant, cest démoralisant et catastrophique, mais on ne peut pas faire autrement. Quand tu te fais doubler comme ça et quil reste une heure de course, tu peux redoubler. Tu es tellement dégoûté que ça te donne encore plus la rage. Comme à Saint Petersburg quand jai fait lextérieur à Luhr dans le dernier virage, ça cétait pas mal. Mais quand à trois minutes de la fin, tu as le safety car et quon te double dans la ligne droite comme si tu nexistais pas, là cest ridicule.
US-Racing : A quoi tattends-tu pour les 24 Heures ?
Romain Dumas : Cela va être encore plus dur que lannée dernière car Audi et Peugeot ont une voiture supplémentaire. Lobjectif reste le même : essayer dêtre les meilleurs derrière les diesels et attendre de voir ce quil se passe. Lannée dernière, je pense que Peugeot ne pouvait pas attaquer trop fort de peur de tout exploser. Cette année à mon avis, ils vont partir très vite et les Audi vont vouloir les suivre, donc peut-être quil y aura plus de dégâts devant. Peugeot semble plus rapide, donc je ne suis même pas sûr quils auront besoin de pousser dans leurs derniers retranchements. Peut-être quil enverront une voiture ou deux au feu et ils en garderont une en embuscade au cas où. On verra ce quil va se passer. A mon avis, ça va être une édition sympa.
US-Racing : Et sil fait un temps comme aujourdhui, vous avez des chances ?
Romain Dumas : Il faudrait quil neige ! Sil pleut, cela peut nous aider, mais ce sera difficile pour tout le monde. Cela permet de plus grosses erreurs, mais ce qui est vrai pour les autres lest pour nous également.